fugue
. f l a s h b a c k .——————— jinsun qu’est sans doute un peu égoïste,
jinsun qui malgré votre relation complice,
n’a jamais vu que ça ne collait pas, que ça ne marchait pas, qu’il y avait des sourires faux et maladifs, des sourires à gerber, des sourires qui lui demandent d’arrêter.
de rester.
des sourires qui refusent d’envisager un avenir à deux mais pas avec lui, avec ce qu’il a laissé derrière
un semblant de sa présence, un visage avec parfois ses traits et sûrement tes yeux, un visage comme souvenir, un visage comme dernier soupir,
un enfant qui risque d’être parfois un peu détesté, comme perpétuel songe de ce que son père a été –
jinsun tout ça, il l’a pas envisagé.
il a juste pensé à sa joie de rentrer, sa joie de voir sa femme (toi, celle qu’il va bientôt demander), son enfant, le fruit de votre relation passionnée.
jisnun, tout ça, il l’a même pas ne serait-ce qu’imaginé,
il a juste vu le bonheur au travers des épaisses fumées d’orient, quelque chose à retrouver, quelque chose à espérer, quelque chose qu’il a pas le droit de laisser.
mais il sait que c’est pas le genre de promesse qu’il a eu le droit de t’accorder.
il sait que c’est pas le genre de promesse qu’il peut te laisser,
te dire qu’il va revenir et que ça va aller ;
parce qu’il sait que ça peut ne pas être le cas, il sait que c’est déjà arrivé ;
les mines sombres du compagnon délaissé, et ton regard inquiet, comptant les visages sortant de l’avion, espérant revoir le sien, encore intact, pas trop abîmé.
il a vu pourtant.
il a vu les ravages de la guerre, les ravages que ça cause sur terre, il a vu l’enfer.
il t’a jamais raconté. il ne l’a jamais raconté. il a tout gardé, tout enfoui, tout terré là quelque part en espérant que jamais ça n’explose.
mais toi t’as presque tout vu, et t’as tout inhalé, tout aspiré,
et tu t’inquiètes pour deux, tu t’inquiètes pour quatre même ;
tu t’inquiètes il le sait, que de tes yeux, tu le supplies de rester.
et ça a fini comme une drogue l’armée ;
sous laquelle il est mis depuis qu’il est bébé.
il sait pas si un jour il va y arriver.
il aimerait, tu sais ;
mais il sait qu’il va dépérir, qu’il va regretter.
et à cet instant, alors que t’es dans ses bras, il y a tous ses doutes qui réapparaissent.
pourquoi ça va pas ?
pourquoi ça sonne faux, qu’est-ce qui cloche, pourquoi ton ventre n’a pas la forme de la vie ?
pourquoi il ose à peine croire que ça a merdé, certain que ça pouvait pas arriver ?
alors il répond pas jinsun, il fronce simplement les sourcils,
essaye de faire l’équation dans sa tête sans trop y parvenir.
et alors que tu t’excuses, il y a sa lèvre qui tremble un peu.
il était pas prêt, jinsun.
il pensant que l’enfer c’était derrière, jinsun.
que le risque était passé, qu’ici la vie rimait avec éternité.
il te lâche pas pourtant, il partage sa tristesse qui envahit lentement son visage
qui prend possession de ses yeux, de sa mâchoire, de ses lèvres, de son souffle ;
qui s’infiltre, qui pourtant ne coule pas –
pas encore.
ça reste encore bien sec.
jinsun il te donne tout, mais ne se donne jamais le droit de s’effondrer.
désolée ?… pourquoi t’es désolée haru ?… c'est pas ta faute.il réalise pas trop.
il cherche un peu ses mots, se demande comment s’en sortir.
pourquoi ?…et à cet instant jinsun il sait pas, il en a aucune idée que c’est toi qui a abandonné
il pense juste que ça a pas fonctionné ;
alors il te serre contre lui, avec force,
pose sa tête sur le sommet de ton crâne et vient caresser tes cheveux avec douceur, avec chaleur, pour essayer de réanimer vos coeurs gelés par cette nouvelle qui n’a pourtant pas la même saveur chez lui comme chez toi.
comment ?…un long soupir, une longue inspiration,
essayer de tout retenir,
pas vraiment y arriver.
il y a la première larme qui s’est échappée, qui roule sur sa joue, qu’il cache en te gardant contre lui.
la première larme du deuil, la seule qu’il s’accorde lorsqu’un compagnon quitte le bataillon un peu trop tôt.
il l’aimait déjà cet enfant ;
et toi, tu le détestais déjà bien avant.