he
helped you becoming who you areelle a froid, noriko. elle a froid et elle pleure. elle crie pas. elle geint pas. elle demande pas sa maman. et surtout pas son papa.
après tout.
c’est lui qui l’a mis là.
les lions la regardent, allongés par terre, dans d’autres cages. et elle s’endort finalement. les larmes coulant sur ses joues, bercée par la respiration bruyante des animaux à ses côtés.
il ose le fouetter. il ose. et elle le voit, finalement, s’effondrer, le lion. et il râle. il râle parce qu’il a pas été assez performant, le lion. et noriko le regarde, et elle grogne. et les autres lions grognent aussi. son père sait plus quoi faire. il les fouette. encore. l'un après l'autre. s'arrête avant de fouetter sa fille. finalement.
et sa mère vient la chercher. l’appelle “ma poupée”. elle la tire par le bras. et noriko regarde derrière elle. elle peut pas, veut pas, les laisser là. il va tous les tuer si elle les laisse là. elle a d’la force, sa mère. et elle finit par l'asseoir dans une chaise d’une autre salle devant un miroir bien trop éclairé. elle la maquille. elle l’habille d’un vêtement qui couvre à peine son jeune corps de gosse de 12 ans.
seol omonim. j’ai peur. y'aura trop d'monde. c'était juste de la timidité. sa mère sourit. elle refuse qu’elle l’appelle maman. après tout, elle est promise à un grand avenir dans le mannequinat, cinéma ou autre position de représentation, elle peut s’accrocher à personne. pas même à elle.
comme si elle en avait envie.t’inquiète pas, ma poupée, tu les verras pas les gens.le spectacle commence. et sa mère tient sa promesse. elle voit pas les gens noriko.
elle voit rien.
juste le blanc éblouissant du projecteur dirigé directement sur son visage. et elle sourit. et elle danse, bouge comme on lui a appris à l’faire.
elle a plus rien vu pendant deux mois après ce jour.
———c’est trois ans plus tard qu’il s’est pointé. il avait 27 ans à l’époque. et il a assisté au spectacle.
noriko était plus la gamine de trois ans auparavant.
sa “mère” avait plus aucune emprise sur elle. son père fouettait les lions le moins possible. il avait apprit à en avoir peur. d’eux.
d’elle.le jour où elle les a libéré, les lions, le jour où elle a pas hésité à menacer sa mère d’un couteau si elle osait lui reposer la main dessus. et le jour où, sans sourire, sans aucune expression sur le visage, elle leur a dit :
allez y, appelez la police. qu’on rigole lorsqu’ils trouveront comment vous traitez la casse humaine ou les merveilleux animaux que vous employez.elle avait 13 ans.
il est arrivé, habillé en costard. il était beau, scintillant. il a demandé à rencontrer la “jolie fille”. invention d’un bobard comme quoi il était chef d’une entreprise de mannequinat.
c’te grosse blague.il a juste proposé d’emmener la fille en corée. la mère, sourire aux lèvres, yeux pétillants, a crié de joie. c’était dégradant.
noriko, elle a sauté sur l’occasion. partir. loin. avec un bel homme, clairement pas DRH d’une entreprise de mannequinat. sans savoir ce qui l’attendrait.
en sachant que ce serait, de toute façon, mieux que dans ce cirque miteux.
vis notre rêve ma poupée.noriko s’est retournée. c’est la dernière qu’elle a vu cette femme.
seol omonim, tu le vivras, ton rêve. tu deviendras connue. un jour.elle avait 15 ans.
———elle avait 16 ans quand le cirque a fermé. elle était devant la télé, et il était debout derrière le canapé.
je suppose que c’est inutile de te demander si tu t’en veux de les avoir dénoncés. elle lève même pas les yeux vers lui.
hm. inutile.ils sont quelque part en thaïlande. la petite bande s’est élargi de plusieurs personnes. il paraît que quelqu’un les attend déjà à séoul, un chimiste. il lui a dit son nom à un moment mais elle l’a pas retenu. elle s’en fout, noriko. pour elle, c’est un échappatoire, pas une bande de potes de joyeux lurons.
quand est-ce qu’on ira enfin à séoul ? l’un d’eux demande, avec un accent atrocement occidental. noriko répond pas, continue de fixer la télé.
ils ont été arrêtés et sont en attente de jugement. ils risquent jusqu’à 20 ans de prisons. noriko s’étonne même pas qu’ils aient omis son existence. ça aurait été mauvais pour eux. très. mauvais.
ils s’mettent à discuter derrière. le recrutement d’un thaïlandais. c’est pour ça qu’ils sont là.
noriko l’a vu arrivé, deux jours plus tard, l’a observé.
j’vous présente king. je l’ai sorti d’un hôpital psy.t’as inventé quoi cette fois ci ? elle demande, noriko. ça la fait marrer, ce qu’il invente. il a une imagination débordante.
un centre de réinsertion à séoul. ils ont même pas pensé à vérifier. ton boulot a servi à rien, il lance à l’anglais. lui, il hausse les épaules. il est un peu comme elle, il s’en fout.
et noriko ricane intérieurement. et elle s’demande à quel moment les humains arrêteront d’être de gros débiles
naïfs et
égoïstes.
séoul, deux ans plus tard.
elle a 18 ans. il en a 30 tout juste. et ils sont prêts.
noriko regarde cette nouvelle ville avec autant d’attention qu’elle a regardé les nouveaux, uns à uns, qui arrivaient ; une attention prêt de zéro.
elle, elle pense juste à ce chien errant qu’ils ont recueillis y’a deux ans à Bangkok. et à ces deux personnes qui, finalement, en ont pris pour trente ans.
tu vois ? seol omonim ? tu l’as eu, ton heure de gloire.——————she
is questioning everything you believe inputain.
ils la regardent, ils savent pas quoi dire.
ils ont rien à dire.
elle réagirait mal s’ils disaient quoique ce soit, ils le savent.
alors ils font rien, ils la regardent, alors qu’elle se lave les mains. et ils vont plutôt parler à l’autre, qu’est arrivé aussi.
j’vais prendre une douche, qu’elle lance, à la volée.
et il la suit. il la touche pas, il oserait pas. pas alors qu’elle est dans cet état.
noriko, qu’est-ce qui c’est passé ?
la nippone sort une feuille de sa poche, la déplie, doucement, et la montre.
faut franchement être hypocrite pour oser m’dire que les gens sont bons. alors qu’ils demandent à ce qu’on les débarrasse d’autres crasses de leur race.
elle a pas envie de parler. à personne. encore moins aujourd’hui.
mais elle aimerait bien que les gens comprennent qu’elle est pas folle.
juste réaliste.elle a 23 ans. ils sont neuf dans leur petit gang de dingues.
il a traversé les océans pour les trouver. eux, qui sont tous atteints d’une pathologie différente. eux qu’il a réussit à former comme il le voulait. ils touchent tous un peu à tout. et ont tous leur spécialité.
noriko, c’est le nettoyage. ou toutes ses tâches que personne ne veut. de peur d’éprouver un regret quelconque.
noriko, elle s’en fout. elle les déteste. elle a jamais aucun regret.
noriko, le gang, c’est sa porte de sortie, et ça le restera.
mais noriko, c’est la première fois depuis 10 ans qu’elle considère des êtres de la race humaine comme autre chose que des monstres.
———vous voulez des macarons ?noriko, elle s’retourne sur la voix féminine et elle détaille la jeune femme devant elle.
des macarons ? dans un cabinet vétérinaire ?noriko, elle a cette envie de ricaner, de dédaigner, comme elle fait si bien. et elle se rappelle qu’en fait, ni elle, ni personne, n’en vaut la peine.
c’est des biscuits pour chiens. en forme de macaron.et alors que noriko était repartie faire ses trucs, elle s’arrête. elle lui fait un signe de la main, qu’elle s’approche la jeune femme. elle lui prend les macarons des mains et les met sur son bureau.
j’dirais au médecin de les examiner quand elle aura finie. merci et au revoir.c’est expéditif. noriko reprend ses affaires. et quand elle sent que la gamine -parce que c’est une gamine, pas une jeune femme, après observation- est toujours là, elle se retourne vers elle, s’habillant de son plus faux sourire.
autre chose ?la fille hoche la tête rapidement.
vous pourriez jeter un oeil à mon rat ? il a l’air mal en forme, et je sais pas pourquoi. ça m’inquiète. et alors que noriko pourrait répéter que la médecin est occupée, elle jette un oeil dans la cage -de la taille d’une cage de chat- qu’elle lui présente. et elle sourit en voyant le rat, noriko.
il est beau.vous aussi. qu’elle répond, la gamine.
et noriko, elle comprend pas. sur le moment, elle intègre pas. écoute pas.
tu devrais lui donner des compléments alimentaires. alors la fille hoche la tête. d’accord.
et c’est tout. noriko lui vend des compléments alimentaires, et elle sort de la boutique, laissant l’argent sur la table.
c’est tout.
———hey ! t’es la jolie fille qui travaille au vétérinaire. qu’elle entend, noriko, crier dans la rue. et elle s’dit qu’ils pourraient franchement éviter d’être aussi bruyants, les humains.
puis une tape, sur son épaule. et noriko se retourne, prête à foutre une claque ou à étrangler la personne face à elle.
ils la touchent pas ces bâtards. jamais.toi ? elle lance, se retrouvant face à la fille aux macarons. elle la regarde avec un sourire extravagant sur le visage. et noriko voit qu’un garçon l’attend au bout de la rue.
tu devrais aller rejoindre ton petit ami, il t’attend.et noriko, elle comprend pas sa propre phrase. comprend pas sa propre réaction. elle pourrait s’en aller, l’ignorer. mais non.
quelque part, chez cette fille fait que. non.
je m’appelle jihya. noriko, elle réagit pas. se reprend. la contourne, et la dépasse, sans se retourner une seule fois.
tu t’appelles noriko, je l'ai lu sur un article dans un magasine animalier ! qu’elle crie alors qu'elle est déjà loin, noriko. savoir inutile.
et elle se dit que ce serait bien si, jihya, elle savait se taire.
ça, ça lui serait utile.