chapitre premier
par erreur

Ça aurait pu être un accident de voiture (tous les films en ont un), ça aurait pu être quelque chose de brutal, de violent. Ça aurait pu être oui un évènement en entrainant d’autres : car comment mourir ainsi, seul, sans faire de blessés ? Comment mourir sans cri sans voir sa mort sans rien si ce n’est un
couteau
dans le flanc ?

Et je te regarde incrédule, Jun (tu es horrifié).
Je baisse les yeux et vois ma main pleine de sang et dévisage sans trop comprendre mon agresseur, ses yeux remplis de haine (de peur).

Qui aurait cru que je crèverais à la place d’un autre. Qui aurait cru que je prendrais la balle pour un autre ? J’aimerais crier que je suis un égoïste, que je ne peux pas faire ça, pas volontairement ! (Mais justement, on ne me laisse pas le choix.) Et je sens pas vraiment mes genoux qui touchent le sol ni mon haut le coeur ni tout ce bruit ni rien je me sens juste mal et je sais pas c’est flou.

Daewoon tu te jettes sur moi en pleurant et j’ai envie de te dire que t’y es pour rien, que c’est la vie que c’est comme ça que c’était trop beau de toute façon. Que nos jours sont pas terminés que l’ambulance va bientôt arriver et qu’on va faire la une dans les journaux et cette fois-ci ce sera pas car on aura gagné à une énième émission télévisée mais car on m’aura poignardé.

C’est la merde, quand même.

——————

chapitre second
explications

L’ambulance n’était pas arrivée à temps.

Et qui aurait cru qu’un des groupes de kpop les plus populaires du moment éclaterait de la sorte ? Car des rumeurs comme quoi un des membres n'était pas tout à fait normal (un peu trop gay) ? Ce n’était même pas Woojin, en plus ! Woojin qui n’avait rien fait si ce n’était vivre tranquillement, les écouteurs dans les oreilles, l’air un peu trop indifférent. Woojin sur lequel on sautait en riant, autour duquel on venait refermer ses bras et qu’on secouait dans tous les sens. Et il s’était toujours bien entendu avec le reste des membres, les considérait comme sa famille vu le temps qu’ils avaient passé ensemble, à vivre dans un 23m².  

C’était injuste mais c’était comme ça.

Et on ne se rappellerait plus d’eux comme l’étoile montante, comme les sept membres soudés ne se forçant pas et vivant comme ils l’entendaient, non. On se souviendrait d’eux comme le drame, le moment ou la Corée du sud avait été obligée d’admettre que l’homosexualité n’avait pas de frontières (n’était pas une maladie, pas une chose existant ailleurs, loin, mais pas chez eux).

Ils avaient tant ri, pourtant ! S’étaient tant amusés, avaient aimé voyager tout autour du monde et rencontrer des fans bien plus hystériques que ceux de leur propre pays. Ils avaient adoré les ambiances chaudes des pays latinos, les accueils enflammés des américains et les salles bondées d’Europe. Ils avaient aimé être ensemble, avaient aimé partager ce moment oui, en avaient même parfois pleuré. Et Woojin n’oubliait pas ces moments là, n’oubliait pas non plus les heures passées à s’entrainer, les régimes parfois hors normes, les fatigues les prenant tout à coup, les I.V dans les veines lorsqu’ils ne tenaient plus et les sachets énergisants qu’ils devaient avaler lorsqu’ils ne mangeaient pas plus d’un repas par jour.

Ils aimaient autant les émissions de variété car elles leur permettaient de manger tout ce qu’ils voulaient qu’ils les détestaient : car derrière ils ne devaient plus manger, devaient se peser. Car on leur balançait a répétition qu’ils étaient trop gros et qu’ils ne rentraient pas dans les standards de beauté. (et qui aurait cru que les plus connus, les plus beaux et les plus populaires étaient en vrai les plus retouchés et les plus effrayés ? qui aurait cru oui que la confiance en soi ne se gagnait pas à l'amour qu'on nous portait)

Mais Woojin les emmerdait.
Il les emmerdait et même si certains du groupe avaient du mal à penser ainsi, peu a peu sous l’influence d’un puis de deux tous avaient commencé à changer. Et à quoi bon, leur avait dit Woojin, à quoi bon prétendre ? A quoi bon s’enfermer dans un piège et être quelqu'un d’autre et se perdre alors qu’on pouvait être aimé en étant soi-même ? A quoi bon vivre malheureux alors qu’on pouvait vivre heureux, oui ?

A quoi bon se prendre la tête alors qu’on nous la prenait déjà.  

——————

chapitre troisième
réveil
Lorsque je me suis réveillé on m'a dit que j'avais eu un accident de voiture, qu'on avait percuté le van dans lequel j'étais avec le manager des garçons et leur styliste. Apparemment la voiture a pas mal tourné dans tous les sens, ce qui explique ma blessure au ventre et tout le reste. Je me souviens vaguement de bouts de verre et d'une sensation de vertige, de monde sans haut ni dessous mais également de genoux à terre et de sang enfin c'est un peu bizarre.

Je ne sais pas si c'est dû à l'accident mais depuis j'ai parfois l'impression de flotter dans un entre deux, de ne pas me sentir dans mes baskets. Je ressens, un manque, aussi : peut-être car j'ai failli y rester, peut-être car à présent la vie a pris un autre sens. Je pourrais mourir demain, vous vous rendez compte ? Je pourrais mourir demain mais il y a encore tellement de choses que je n'ai pas faites ! Tant de moments que je n'ai pas vécus, tant de désirs encore présents en moi !  

Pourtant je continue à vivre comme si de rien, ma casquette rabattue sur la tête et mes écouteurs dans les oreilles. Je continue oui à attendre demain tout en vivant au jour le jour, dans un présent qui s'allonge, s'allonge et se perd. J'aime mes garçons et mes filles, ces gamins et plus grands plein de rêves qui rentrent à l'agence et que je regarde danser sans répit, ces embrouilles et ces groupes qui ne s'aiment pas puis qui sont forcés de s'aimer vu qu'ils sont seuls, à présent : seuls contre tous, contre les médias et leurs fans. Car ils n'ont plus qu'eux pour être francs, plus qu'eux pour se soutenir et car même voir leurs parents n'est plus possible. Enfin. J'aime mon quotidien même si quelque chose manque, même si j'ai l'impression que tous mes amis ne sont pas là, qu'il s'est passé des choses que je n'explique pas : même si parfois je me sens si creux que je ne sais pas si c'est car je suis comme ça ou car il me manque effectivement une partie de ma vie.

(où êtes-vous passés)
(où êtes-vous partis)

Je me sens seul alors que je ne le suis pas et je ne comprends pas.