Le vide.
Ça tangue.

Les murs qui vont et viennent, semblent se rapprocher dangereusement. Puis son pied qui se prend la malle, un peu comme sa vie. Alors, peu importe. Il inhale, fortement, long souffle et l’oxygène s’engouffre dans ses poumons, lui brûle presque la gorge en chemin. L’oxygène ou le whisky. Il n’est même plus certain de rien. Les deux lui permettent de vivre, d’avance. L’un peut-être plus nocif que l’autre. Mais ce n’est pas si grave hm.

Il est dans son bar préféré, avec sa bouteille de ballantine's préférée à penser à sa personne préférée. Minable, minable. Il en vient même à envoyer quelques textos à quelqu’un d’autre, Siwan étant sur silence radio depuis des semaines.

Mais Sunwoo répond. Contre toute attente. Pas très gentiment mais Yeseol est comme un enfant ou un chiot, en manque d’affection. On lui montre juste de l’intérêt et il s’attache. La faute à la faiblesse de son cœur malmené en ce moment. Mais Yeseol est aussi opportuniste et à travers la main qu’on lui tend c’est tout le bras qu’il se décide à arracher et finalement il arrive à arracher de Sunwoo la promesse qu’il le rejoigne au bar.

Magnifique.

Il se sentira peut-être moins minable avec une autre âme à ses côtes. Les secondes passent. Les minutes ou les heures (moins probable) puis la silhouette de Sunwoo apparait. Un an, peut-être plus depuis leur première et unique rencontre. Un plan foireux, jamais conclu. En vrai, Sunwoo a plus respecté Siwan qu’il ne connaissait pas que Yeseol lui-même.

Une esquisse vient se loger sur les lippes du plus jeune, un peu distraire et presque hagarde à cause de tout l’alcool qu’il avait déjà dans le sang. « J’ai cru que tu avais juste dit oui, pour te débarrasser de moi. » Il est heureux qu’il soit venu quand même. Il n’attend pas plus pour lui coller un verre sous le nez et l’attirer au tabouret à côté de lui.

L’attente. Pas si longue. Parce qu’il s’habitue. Un verre pour chaque minute, une gorgée pour chaque seconde et l’alcool qui coule dans son sang calcule les heures qui passent. De plus en plus ivre. Il tente une pause. La nuit est encore longue, il ne veut pas se faire jeter dehors trop tôt. Bien que les risques soient bas. Puis Sunwoo arrive. Enfin. Il lui offre un sourire, ou ce qui peut y ressembler le plus dans l’état où il est. La franchise de l’autre vient le prendre par surprise, aurait surement eu plus d’effet si ses pensées n’étaient pas embrumées. Alors il se contente d’offrir un rire, son détaché de la réalité, presque déplacé dans cette situation. Dénué de sens, comme ses journées depuis que Siwan l’a plaqué en éclats.

« Un plan. » Qu’il répète. Puis son regard descend de lui-même vers la bouteille de whisky. Liqueur surement trop forte pour sa carcasse osseuse. A peine adulte et pourtant c’est la seule chose qui passe. Est-ce qu’il sent du jugement dans la voix de l’autre ? Il n’est pas certain. Peut-être de l’inquiétude, de la peinte ou de la déception. Est-ce qu’il mérite ce genre d’attention ? C’est toujours la même incertitude qui donne écho à ses questions. Tout semble tellement nébuleux. Ce n’est plus seulement les murs du bar qui chancellent, ses réflexions suivent le même chemin.

« C’est moins triste à deux. Je comptais plutôt me mettre une race jusqu’au matin et recommencer le soir. » Si son corps survit, ou le peu de neurones qu’il a encore. Il attrape la main de Sunwoo, la force à fermer les doigts autour du verre.

« Tu fais comment, toi, pour que ton mec t’aimes ? » Il soupire et se penche plus vers le comptoir, dans un équilibre précaire, un simple vent causé par une porte ouverte pourrait suffire à le fracasser. « Parce que j’ai beau demandé pardon, ça marche pas. Je l’ai trouvé avec un autre mec, l’autre jour. » Litanies de plaintes qui n’en finit pas.

Les illusions. D’un monde parallèle où il préfère se fondre, Yeseol collectionne les souvenirs, tente de créer du beau à part de vestige d’amour qu’il lui reste de tout ce qu’il avait vécu en compagnie de l’homme qu’il chérit le plus. Des miettes de bonheur auxquelles il tente encore de s’accrocher. Vie de dénie. Se dire qu’il est encore aimé, qu’il faut juste laisser le temps faire son travail, espérer quand tout est contre soi. Mais il sait, au fond, Yeseol, que ça n’ira pas. Rien n’ira plus jamais s’il ne reçoit pas ce pardon divin auquel il aspire. Il fait trop de mal, ses péchés ne se comptent plus, deviennent inexpiable. Pourtant, il continue d’espérer. Les lèvres trempées dans un verre de whisky puis pleurant à l’oreille de Siwan, toujours froid de l’autre côté du fil. Et il s’accroche encore à son verre pour y trouver un semblant de réconfort, ainsi que dans les yeux de Sunwoo. C’est si étrange de se confier devant un quasi inconnu, quelqu’un qui n’avait été supposé qu’être une aventure passagère. Mais Yeseol n’est pas non plus le genre à se vanter d’avoir des dizaines d’amis qui l’entourent. Il ne récole que ce qu’il sème. Equilibre précaire sur sa belle tour où il avait l’habitude de prendre les gens de haut et qu’il sent se fragiliser sous ses pieds.
Tourner la page.

Les mots sont comme une dague qu’on lui planterait, pas dans le cœur, non, parce qu’alors au moins la mort surviendra rapidement. Non, c’était comme les coups le transperçaient de toute part et évitaient sciemment les organes vitaux pour faire durer sa peine. « Et je vais faire quoi, moi ? S’il n’m’aime plus, si je l’aime plus ? J’en ferai quoi… » De cette vie. La fin n’arrive pas à quitter la barrière de ses lèvres. Tout devient trop réel, il ne sait plus, si ça a été une bonne idée d’envoyer cet s.o.s.

Ça continue. Ça tourne dans le vide, ça n’a plus aucun sens comme tout ce qu’il fait depuis quelques semaines déjà. Ses propres libres deviennent prisonnières de ses canines, douleur physique éphémère qui n’égalera jamais ce qu’il ressent, dedans, dans les entrailles. « J’arrive à rien sans lui, je peux plus toucher personne…parce que ça me rappelle son regard, et ça me dégoûte, et que je me dégoûte. » Au moins, il a encore cette fierté, celle de se dire que sa vie n’est pas assez minable pour tout lâcher. Siwan, il a été le seul à lui montrer ce que ça fait de tomber amoureux, et à quel point ça te bouffe de ne plus pouvoir être avec cette personne.