Son regard se perd de nouveau sur son écran, seul source de lumière dans sa chambre. Dehors, le soleil se couche à peine, mais il fait déjà noir dans sa chambre, les volets fermés depuis ce matin. Hakkun était resté concentré toute la journée, pour se préparer, s’organiser, être certain que tout se passerait bien pour la mission qu’il avait reçu la veille et qu’il avait décidé d’exécuter ce soir même. Il n’a pas le luxe d’attendre plus, sa cible n’allait pas l’attendre éternellement. Il faut agir vite. Pas besoin de se hâter, l’hôtel n’est qu’à quelques rues de son loft, tous deux se trouvant dans le même quartier. Ce n’est pas une mauvaise chose, ça lui évite les longs trajets. Ceux qui le feront à peu trop penser, peut-être même se remettre en question. A présent, il n’y avait que l’adrénaline qui battait en rythme avec son cœur dans leur cage d’os. Il ne se souvient pas avoir déjà fait un détournement d’aussi grande envergure, il n’imagine même pas tous les fonds qu’il allait trouver. Plus que tout ce qu’il avait perdu ou gagné durant ses longues années de jeux et de paris, surement. Rien de plus excitant. L’heure tourne. Hakkun s’habille rapidement, détail méticuleusement porté à sa tenue. Tuxedo noir et chemise ouverte pour sembler plus décontracté. Il ne veut pas se faire remarquer dans un hôtel cinq étoiles avec des vêtements d’enfant de rue. Peut-être une de ses qualités, sa capacité à se fondre dans le moule naturellement. Il ne marcha pas les cinq minutes qui le séparaient de l’hôtel, prenant plutôt sa voiture. Il laisse les clefs au valet puis longe le haul, lentement. Son regard vient discrètement observer les personnes déjà présentes, simplement debout, ou assises. Il a besoin de son complice. Pas d’erreurs possibles, normalement. Il s’approche alors de lui, sourire au visage lèvres et sourcil légèrement relevé. « Hm, Ikeda Sora ? » demanda faible alors qu’il s’humidifie légèrement les lèvres. « Hakkun, enchanté. » Pas de serrage de mains. Ses yeux observent le garçon et ses airs juvéniles, non, décidemment, pas de serrage de mains. Il lui donnait d’autres pensées, pas faites pour ce soir. « T’as pu repérer Choi Joonho ? »

L’attente. Hakkun a toujours détesté attendre, rester là à ne rien faire, quand on voudrait que tout nous arrive entre les bras au moment même où on le désire. Il déteste attendre pour prendre son café, attendre pour garer sa voiture. Il détester jouer et attendre durant de longues secondes que la bille se stabilise dans la roulette, prouve sa perte ou son triomphe plus rare. Mais il y’a aussi les attentes douloureuses, celles qu’il déteste le plus. Attendre derrière un amour aux saveurs aigres, le gout de d’impossible qui glisse sur son palais et qu’il fait mine d’ignorer. Il déteste ça, Hakkun, d’aimer. Il s’en serait volontiers passé de ses sentiments. Il aimerait bien définir sa monnaie d’échange pour une fois et ainsi, jouer cet organe qui pulse et palpite dans son ca cage thoracique, le libérer enfin et le tendre au plus offrant. Ça sera toujours mieux. Toujours moins blessant, pour l’âme et l’égo, que ce qu’il vit à présent. Et c’est cette simple, stupide, pensée d’attente qui rend Hakkun bêtement heureux de constater que son partenaire de crime de la soirée est déjà là. Pour une fois, ce n’est pas lui qui attend.

Il observe l’autre, guette sa silhouette. Les cheveux platine, le regard de biche, il ne passe pas inaperçu, surtout à côté de Hakkun. Belles nuances. Hakkun aime les contrastes des teintes de peau, l’une sur l’autre. Les souffles qui se croisent. Deux inconnus qui doivent se faire confiance, c’est presque aussi excitant qu’une partie de bluff. Silencieux, il tourne la tête vers monsieur Choi. Inconscient, il a le sourire de ceux qui ont tout sur les lèvres. Hakkun tente de l’imaginer dans son quotidien, il n’éprouve pas d’empathie, c’est une bonne chose. Il sourit. « J’ai le numéro de sa chambre, et un tour de magie pour l’ouvrir. » Il tapote la poche de son tuxedo, où une puce spécialement conçue pour l’occasion repose. « J’espère que t’es doué pour te faire payer des verres. Je t’en offrais un aussi, quand on finira… » Invitation ? Pour le moment il faut surtout penser à la mission. Mais contrairement à ses nombreux jeux, ici, gagner n’est plus une option.